Le recueil de nouvelles du concours Ce n’est pas du tout ce que vous croyez, organisé par monbestseller.com et dont Charlotte était jurée, vient de sortir. Nous en avons profité pour interviewer Christophe Lucius, un des fondateurs du site. Il nous dit tout sur ce site communautaire qui existe depuis 3 ans déjà et qui permet aux auteurs d’échanger, de se confronter aux lecteurs et de se faire connaître. Bonjour Christophe, il y a bientôt trois ans, vous avez créé monbestseller.com, comment vous est venue cette idée ? Cette idée est venue d’un constat simple : des centaines de milliers de livres sont écartés des Maisons d’édition chaque année, certes pour des raisons objectives souvent, mais aussi pour des raisons de ligne éditoriale, de public étroit, ou simplement d’arbitrages budgétaires. Le lecteur est écarté de ce champ décisionnel, alors qu’il devrait en être un arbitre central. Le numérique en balayant les critères de rentabilité à court terme permet d’ouvrir à tout écrivain un champ possible d’audience inespéré. Tout auteur a droit à la chance d’être lu, c’est cette chance que nous voulons lui donner. Le deuxième principe qui a présidé à la création de monBestSeller, c’est le décloisonnement des auteurs. Décloisonnement géographique, social, économique (via la gratuité) mais aussi décloisonnement entre les auteurs eux-mêmes. Écrire est une activité solitaire, parfois même anxiogène. Écrire et partager avec une communauté d’« écrivants » est rassurant, amusant, constructif et permet de « désacraliser » un univers parfois élitiste, donc d’avancer. Quel bilan tirez-vous de ces 3 premières années ? Quel est votre meilleur souvenir ? Une publication ou un auteur qui vous a particulièrement marqué ? La première conclusion, c’est que cette communauté des écrivains non édités existe, qu’elle s’est même enrichie de nombreux auteurs édités qui souhaitent eux aussi partager sur la profession : opportunités, difficultés, outils d’autopromotion, opinions critiques ; que le niveau moyen d’écriture est bien au-delà de ce que de nombreux professionnels nous avaient prédit ; et enfin que l’on peut parler d’écriture, d’édition, de littérature avec décontraction, même humour. Le meilleur et le pire souvenir est notre passage à Tf1 à 20h30 ; le site a sauté avec 30 000 connexions simultanées. Citer des auteurs est un piège car je craindrais d’oublier le meilleur. Il y en a beaucoup que nous soutenons, beaucoup qui nous soutiennent et nous aident de leurs conseils d’utilisateurs ; certains même que nous n’avons pas encore détecté. Et la philosophie même de monBestSeller est de donner une chance à chacun. C’est aux lecteurs de décider. Le monde de l’édition et de l’autoédition a-t-il beaucoup changé ces dernières années ? La mutation est impressionnante. Tout simplement par un rééquilibrage des forces, même des forces économiques, par une reconnaissance de l’autoédition comme un pan d’activité clef dans les activités de l’édition : 25 à 30 % des meilleures ventes du numérique sur Amazon sont des autoéditées. Quelques grands Best Sellers (américains) donnent des années de répit à certaines Maisons d’édition. Puis certaines, comme Michel Lafon font du « scouting » pour repérer les potentiels succès de l’autoédition : Agnès Martin- Lugand, Alice Queen, Aurélie Valogne… Une politique nouvelle qui donne des chances à de nouveaux auteurs. Pour une plus grande diversité, et une plus grande proximité avec les lecteurs. Qu’est-ce qui fait la particularité des auteurs de la communauté monbestseller ? Sa connivence, et son unité. Ce sont comme des cercles concentriques avec des nœuds, une familiarité, et une connaissance les uns des autres. Puis des intervenants réguliers, puis des intervenants épisodiques et tous les jours de nouveaux venus. Ils ont en commun de s’interroger sur l’écriture, la profession, les pièges à éviter, les opportunités et surtout de vouloir faire de l’écriture un loisir récréatif (avec bien sûr pour certains l’envie d‘en faire leur métier). Parfois avec une certaine naïveté qui est en fait de la fraîcheur. Que pensez-vous de l’avenir du marché de l’édition ? On parle beaucoup de l’impact du numérique et de l’autoédition, quelles seront les conséquences de ces phénomènes selon vous ? Le marché de l’édition va se scinder. Un éclatement qui ne remettra pas en question les grands professionnels de l’édition Gallimard, Grasset… dont le niveau d’exigence restera référent. Mais un éclatement qui fera une part belle à l’autoédition et au numérique sous de nombreuses formes… Il faudra (il faut) compter avec Amazon, qui préemptera la plus grande part de la distribution, qui sera donc à terme apte à imposer progressivement des règles aux éditeurs. Amazon qui deviendra lui-même un éditeur, on peut en deviner les conséquences. L’émergence de plus en plus fréquente de grands « phénomènes » populaires venus du net, des blogs, des sites numériques qui vont bousculer le marché. Des auteurs récupérés ou pas par les Maisons d’édition. L’autoédition comme un choix volontaire, et non pas subi pour de nombreux auteurs. Ne serait-ce que pour un simple point de rémunération. Une liberté d’esprit pour tous. Une liberté d’écrire, de lire, de critiquer et surtout, une interaction auteurs / lecteurs, un phénomène fondamentalement nouveau auquel monBestSeller croit. Que souhaitez-vous pour monBestSeller et sa communauté d’auteurs pour les 3 années à venir ? Nous souhaitons faire de monBestSeller un espace d’accueil généreux et ludique pour tous ceux qui aiment la littérature et l’écriture. Sans ségrégation, sans prétention, décontracté mais avec de vrais contenus. Un site qui soit le pouls de ces 15 % de Français qui écrivent mais aussi de tous les lecteurs. Nous souhaitons élargir cette communauté. Avec une bonne centaine d’inscrits par jour aujourd’hui, plus elle est nombreuse plus elle donne une puissance d’audience au site, et plus elle donne à nos auteurs une chance d’être lus… Nous souhaitons la qualifier : nous avons déjà un « Club de lecteurs » qui guide nos choix sur nos Newsletter, nos articles ; des auteurs contributifs à nos tribunes, des lecteurs critiques. En un mot, faire de cette communauté le porte-parole d’une certaine vision de la culture, libre et sans complexes, populaire mais exigeante. POUR ALLER PLUS LOIN : Les meilleures maisons d’édition françaises en 2022 pour les auteurs auto-édités Les idées reçues sur l’autoédition ? Quels sont les critères de sélection des éditeurs ?