Lorsque Sol prend la plume, il est devenu un homme. Il s’en est sorti. Il a su aimer, bâtir une famille sur les sables mouvants de son enfance. Car Sol a grandi dans le secret, ou plutôt dans le non-dit, entre une petite sœur joyeuse et une mère peu aimante. Il s’est construit sur une trahison, celle d’un père maltraitant dont il prenait le désir pervers pour un amour fou. Il s’est construit sur la culpabilité d’avoir fini par parler, d’avoir fait voler en éclats sa famille. Il s’est construit, surtout, dans le silence et le déni de ses proches : ne pas voir, d’abord, puis ne plus en parler, jamais ; taire à tout prix la honte, comme un péché originel dont il aurait été, au fond, en partie responsable ; se forcer à oublier au point d’en douter, jusqu’à ce qu’il tombe par hasard, adolescent, sur les lettres que son père incarcéré continuait de lui adresser ; jusqu’à ce qu’il finisse par s’y confronter et par s’apaiser.
Des années plus tard, Sol trouve la force d’affronter à nouveau ce passé. C’est à sa mère qu’il veut écrire, peut-être un peu pour régler ses comptes, pour la confronter à ce que fut sa solitude et sa souffrance, mais sans doute aussi pour tenter de comprendre ce qui peut conduire une mère à ne pas protéger son enfant.
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